Mémoire: Un certain Khatibi…

Le 16 mars 2009 s’éteignait, à l’âge de 71 ans, l’écrivain et penseur marocain Abdelkébir Khatibi, figure de proue de la littérature et de la sociologie. Or, sur les tablettes culturelles en ce 16 mars 2015, rien n’est prévu, pas le moindre hommage commémoratif en guise de souvenir et de reconnaissance…

Ce sera comme pour l’année dernière et l’année d’avant… passé sous silence, ce sixième anniversaire de la disparition d’Abdelkébir Khatibi n’aura pas lieu comme le voudraient ici les convenances, devoir de mémoire oblige.
Pas la moindre évocation par ses pairs marocains, écrivains, poètes, penseurs, artistes…Ceux-là même qui lui doivent tant.
Pas la moindre initiative allant dans ce sens, de la part des milieux universitaires qui n’ont de cesse de se référer à ses œuvres littéraires et aux travaux de recherche qu’il conduisit depuis les années 60, et qui, du reste, ont conférés à l’université marocaine une certaine aura.
Et enfin pas une ligne, pas un mot à ce propos dans les médias d’ici, censés pourtant initier l’actualité, et donc anticiper en l’occurrence, en lieu et place des autres relais défaillants.
Quand aux départements de la Culture et de l’Enseignement Supérieur marocains… n’en parlons même pas.
Et pourtant…
Auteur d’une œuvre dense et multiforme (roman, essai, sociologie, linguistique, arts…), ayant donné lieu à pas moins de trente six ouvrages de référence, ainsi qu’une multitude de communications et d’interventions dans les colloques et les séminaires initiés au Maroc et à l’étranger, A. Khatibi aura investi tous les champs de l’écriture et de la recherche scientifique. Avec toutefois, chez lui, une prédilection certaine pour la poésie, le point de départ et d’arrivée : "J’essaie de cheminer vers le Poème ". Les thèmes de ce cheminement jubilatoire de plus de quarante ans sont notamment l’identité /l’altérité, la lutte des classes, la mystique du signe, l’aimance…
La pensée de Khatibi et ses travaux notamment autour du plurilinguisme ont été d’un impact certain pour les penseurs et les philosophes de la dimension d’un certain Roland Barthes "Ce que je dois à Khatibi (…) qui saisit l’autre à partir de notre même ", ou d’un Jacques Derrida, lequel n’a de cesse de souligner comme il se doit la richesse de l’apport de Khatibi en la matière. De même, son œuvre littéraire et ses apports pluridisciplinaires font l’objet de travaux de recherche dans les grandes universités à travers le monde. Etc.
Or, ici et maintenant, que reste-il de tout cela ?
Reste cette invite de l’auteur du Livre du sang Laissons un instant le regard glisser, sur la surface des murs, laissons-le rejaillir du marbre, du stuc ou du bois, sur toutes matières à faire étinceler une effervescence nostalgique ».

Aziz Zaâmoune