Dominique Sorrente : C’est bien ici la terre

   


Que les poètes, en ce début du XXIeme siècle, décrassent leur fibre lyrique et retrouvent le sens de l’universel, voilà un signe plutôt encourageant pour la poésie et ses lecteurs. Foin des exercices de pure virtuosité verbale ! Il n’y a pas de « révélation » à attendre de la répétition indéfinie d’une même phrase, d’un même mot ; bien plutôt un effet de saturation et d’ennui. Non, la poésie n’est pas qu’une affaire de rhétorique ! Non, la poésie n’est pas un genre littéraire creux et vain ! Dominique Sorrente le sait bien, lui qui a choisi de célébrer la terre, ses rythmes et ses symboles qui ont façonné, depuis des millénaires, notre imaginaire. Préfacé par l’anthropologue Jean-Marie Pelt, « C’est bien ici la terre » rassemble plusieurs (longs) poèmes qui composent, chacun à leur manière, une méditation sur notre  condition terrestre. Ici, nul relâchement verbal, nulle négligence formelle au profit du contenu (comme c’est le cas chez bien des pseudo-poètes), mais une puissance d’évocation jamais prise en défaut, vers après vers, poème après poème. L’œil doit faire des pauses fréquentes pour que l’esprit puisse profiter pleinement du sens - parfois sibyllin - de ces pages. Dans chacune d’elles, on sent la nécessité de dire l’expérience – forcément intérieure – du monde ; et ce ne peut être que dans une langue soustraite aux impératifs de la communication immédiate :
« C’est bien ici
   La terre que récitent
   Les cœurs battants
   Au rythme noir de la durée sans fin. » (extrait, page 26)
Une langue transcendée, méditée, belle en soi, à la mesure de la tâche entreprise. Davantage qu’un recueil, « C’est bien ici la terre » est un livre dans l’acceptation la plus noble du terme. En cela, il pourra accompagner ses lecteurs dans leur propre cheminement existentiel.

(éditions MLD, 18 euros)

                                              Jacques LUCCHESI