Ce qui arrive

Dans « L’homme qui penche », journal d’une hospitalisation, Thierry Metz rapporte la parole de Sylvie, une jeune femme internée dans la même maison de soins que lui : « Pourquoi ne peut-on éviter ce qui arrive ? ».
 Cette question-là, je la retourne dans mon esprit depuis j’ai lu ce livre, le dernier de ce poète suicidé à 40 ans. Elle me semble être l’une des plus profondes et des plus porteuses de sens qui soient. Le problème du temps et la conscience de son irréversibilité y sont concentrés. Comment les choses bonnes ou mauvaises, mais surtout mauvaises, arrivent-elles ? Car personne, en effet, ne désire rationnellement qu’elles arrivent. Cela excède la simple causalité et nous n’en avons que rarement une claire conscience. J’ai fait tout ce qu’il fallait pour que mon entreprise réussisse et pourtant ça n’a pas marché. Stupeur et interrogation. Comment, dans ce cas, aurais-je pu éviter cet échec ? Hélas, l’expérience des échecs précédents n’a servi ici à rien.
Dans son «Tractatus logico-philosophique », Wittgenstein écrit : « Le monde est tout ce qui arrive. ». Or, où que nous soyons, nous sommes tous au monde, dans le monde. Et forcément, on ne peut pas toujours éviter de s’y heurter.
 
 
 

     Jacques LUCCHESI