Izards, vous avez dit Izards ? Avec "Le chien arabe",
Benoît Séverac situe son nouveau polar dans un quartier chaud de
Toulouse, là où un dénommé Mohamed Merah a mal grandi… Quand on connaît
le quartier des Izards, on sait qu’on a affaire à ce que les bons
apôtres appellent en termes choisis un des quartiers perdus de la République. Ce jargon-là n’est pas celui de Séverac. Il décrit sans jambages
et donc sans fioritures la vie de cette zone livrée aux trafiquants et
aux malfrats. Trafics d’armes, de drogue, recels variés, violences
faites aux femmes, voilà le lot de tous les jours où pauvreté, précarité
ne riment plus avec égalité, ni même fraternité. Trois héroïnes, si
l’on peut dire, vont tenter l’impossible et tirer le lecteur à leurs
basques et ne plus le lâcher : Sergine, vétérinaire plutôt costaude,
Decrest, une flic en pétard contre tout et surtout contre ses collègues
mâles au machisme ordinaire, et Samia qui alerte Sergine sur un chien
défoncé à coups de pied par la bande à Noureddine. Nourredine, un des
frères de Samia, qui se trouve au chomdu et qui vit de trafics. Sergine —
et le lecteur dans son sillage, découvre rapidement pourquoi le chien
se meurt. Et pas que ça : un trafic incroyable qu’il vaut mieux taire
ici. Autre chose que découvre Sergine : la famille de Samia a décidé de
la marier de force et l’envoyée direct au bled… Oh là ! Où sommes-nous ?
En France, aujourd’hui même ! On a beau savoir que tout cela existe, il
faut une plume sèche, distante comme celle de Séverac pour brosser un
tableau édifiant des Izards, livrés aux mains d’apprentis terroristes,
de religieux mafieux et de seconds couteaux prêts à toutes les
violences. Le polar de Séverac est loin d’être violent. C’est la réalité
qui est violente. Ce qu’il décrit c’est cette violence qui suinte et
qui menace, toute prête à éclater ici ou bien ailleurs, partout, tant
nous avons laissé se déliter les choses. Le fatum rôde dans ce polar
sans concessions qui, à certains égards, nous fait penser à cette veine
du néo-polar qui a fleuri chez nous dans les années 70. Une veine qui se
voulait militante, politique, et qui dénonçait les lâchetés et les
dérives de notre cher pays. C’est peut-être bien à ça qu’un polar doit
servir. "Le chien arabe" est un livre
courageux, qui ne flirte pas avec la complaisance mais pose tout au
contraire les vraies questions auxquelles il faudra bien répondre un
jour.
("Le chien arabe", de Benoît Séverac, La manufacture de livres)
Franck STERNAC