Je ne connaissais pas Murielle Compère-Demarcy. Elle signe (sous 
l’abrégé MCDèm à la manière d’un graff sur les murs de la nuit) un long 
poème 
Coupure d’électricité aux Editions du Port d’Attache. En 
présentant ce beau poème-fleuve, son préfacier cite la Beat-Génération 
avec pour haute lignée celle d’Arthur Rimbaud et celle d’Apollinaire. Il
 faudrait ajouter à ces F—du logis poétique la prose syncopée du grand 
Cendrars, oublié trop souvent, prose que MCDèm partage et déroule 
brillamment. Quand je dis prose, c’est manière de parler. Court tout au 
long de cet épique poème urbain une musique de fond, un staccato de sons
 sortis du désordre du monde, — de notre monde à la technologie 
hypertrophiée, où la F—Electricité décide de faire grève, créant un 
chaos d’envergure, entre autres ferroviaire, puisque les voies du Sens 
sont emmêlées, ce qui, comme en écho, rejoint l’in-tranquille phrasé de 
La prose du Transsibérien...
 Dans ce torrent de mots hâtifs, catapultés, jetés comme des jets de 
peinture sur 3 mètres sur 3 tels les rescapés d’un monde fou, un fusible
 a sauté dans la tête-à-poèmes de l’auteur. Tant mieux ! Sans cette 
coupure, pas de rupture, et donc pas de poème. La scansion de 
Coupure d’électricité
 fait très souvent penser à un halètement, à une course folle, un 
parcours balisé où le poète se cogne. Un chœur de voix intimes qui nous 
suggère que la poésie est de chair, que le poète doit marcher, inventant
 par là même son chemin de lumière, loin des canons de l’Art dit 
officiel... qu’une coupure peut sectionner aussi les nerfs de la raison.
 La nuit a enfanté sa rouge calligraphie. Eurydice et Orphée peuvent 
bien se rhabiller. Quant à Narcisse...le miroir a déteint. Nul doute : 
la sarabande de MCDèm rappelle l’équipée rimbaldienne, la mélancolie 
visionnaire de Guillaume, le festin nu de Burroughs et Ginsberg... 
Coupure d’électricité devrait dit être à voix haute comme un mantra chargé de sortilèges.
Yves Carchon