Le succès en matière littéraire a toujours été - et reste encore pour
moi – énigmatique, voire incompréhensible. Comme d’ailleurs l’insuccès.
Souvent lié à ce qu’on nomme l’air du temps, un livre
prend son essor sur le terreau des interrogations, des doutes et des
hantises d’une époque. La nôtre a ses sorciers pour la partie dite
littéraire. Apprenti pour Potter, maîtres es savoir-faire
pour Amélie Nothomb et Michel Houellebecq. Je n’ai évidemment rien
contre leurs ventes en librairie, ni ne dénigre leur succès : ils ont
leurs qualités puisque ils ont leur public ! Cet argument
est aujourd’hui irréfutable. Autrement dit, tout livre qui ne trouve
pas son lectorat est non seulement voué aux oubliettes mais regardé
comme n’étant pas un livre. Enfin un livre d’écrivain, il
faut le préciser. Avant, un livre était un livre ; aujourd’hui, ce
peut être un livre de cuisine ou un livre pour maigrir. Pour m’être
frotté à la chose littéraire, je sais pourtant que le succès
comme l’insuccès reposent souvent sur un malentendu. Un écrivain est
rarement aimé de son vivant pour ce qu’il a écrit. Il est soit le jouet
d’une mode, d’un engouement subit et moutonnier, soit
l’objet d’un rejet pouvant aller jusqu’à la haine. J’oublie une
chose : un écrivain peut être aussi l’objet d’une grande indifférence !
Mais là encore, il faut rester prudent. Il ne faut pas
confondre le livre écrit et l’homme. Ce dernier trop souvent étouffe
le premier par ce qu’on nomme la médiatisation. Ah, le méchant petit
vocable ! En nos temps cathodiques, il est pourtant de
bon aloi d’aller vendre son livre sur les plateaux télé. Et là,
évidemment, c’est l’enfer pour l’auteur (j’entends celui qui porte
réellement une œuvre). Il n’aura ni le temps de parler écriture,
ni l’écoute aiguisée que nécessite l’explication d’une œuvre. A ce
sujet, - et tant pis si je passe pour un esprit chagrin - je ne crois
pas que le travail de l’écrivain soit de passer à la télé,
ni même de vendre sa prose ou de l’expliciter, sauf si l’on
considère bien sûr qu’un écrivain doit se prêter aux numéros de cirque.
Cela dit, soyons clairs : je ne dégoise pas sur le cottage de
Joanne où brûle un magnifique feu de bois, ni même sur les bibis et
la face grimée de cette chère Amélie, encore moins sur l’œil terne ou
l’imper tout fripé de Michel Houellebecq. Loin de moi
cette pensée ! Mais je ne peux que constater que tout cela relève du
music hall et non de l’écriture.
Yves CARCHON
Né en 1948, Yves Carchon est romancier, nouvelliste, dramaturge et poète. Derniers titres parus, "Conversations à deux" (2009) et "Un fieffé mentor" (2010). On peut également se reporter à son site internet: theatre-yvescarchon.e-monsite.com
Yves CARCHON
Né en 1948, Yves Carchon est romancier, nouvelliste, dramaturge et poète. Derniers titres parus, "Conversations à deux" (2009) et "Un fieffé mentor" (2010). On peut également se reporter à son site internet: theatre-yvescarchon.e-monsite.com