Conseils à un jeune écrivain

L’été en pente douce donne au vieux scribe que je suis l’envie de m’adonner à l’art de distiller quelques conseils aux écrivains en herbe. Je ne sais si cet exercice doit être qualifié de cuistre ou simplement d’utile. Ce que je sais, c’est que lorsqu’on fait ses premiers pas dans la forêt des Belles-Lettres, personne n’est là pour vous guider dans l’équipée dorée mais rude qu’est l’écriture. C’est peut-être mieux ainsi car si, par aventure, on apprenait qu’on en a pour la vie, on regarderait à deux fois. Heureusement, on ne sait rien ! Les dieux de l’écriture font bien les choses... Mais revenons à mon propos. Pour première règle, j’inciterai notre écrivain pubère à voyager. Loin, sans confort, seul de préférence. Voyager de la sorte est la manière la plus pratique d’apprendre la solitude. Il en aura besoin quand il prendra la plume. Je recommanderai ensuite à notre débutant de vivre sans entraves, de n’accorder aucune valeur à la vie matérielle, de chercher le dérèglement, l’enivrement, de vivre à mille à l’heure, de se frotter sans peur à l’écorce du monde. L’excès finit par rendre sage. Puis je l’inviterai à se calmer, ayant engrangé mille vies potentielles et l’assujettirai à une règle d’acier : rigueur en toutes choses, d’autant quand on écrit. Surtout si on écrit ! Ne comptera pour l’écrivain nouveau que la scansion des mots et leur arrangement, les nuits blanches et les jours couleur encre, les mots étant fœtus avant d’être bébés poussant leurs premiers cris. L’écrivain débutant se méfiera de la gente importante, des puissants qui veulent faire son bonheur pour mieux l’amadouer. Il devra être féroce et se montrer intransigeant avec ceux qui battent les cartes dans la République des Lettres. Qu’il ne transige pas, il tomberait dans la facilité ! Et qu’il écoute plutôt le doux chant des sirènes de l’insatisfaction, du doute, de la fragilité d’un texte, même quand ce texte est bien tenu et qu’il ravit, séduit, enivre la compagne des jours sans pain. Pour ultime conseil, je le convierai à s’établir à la campagne, sachant qu’il s’ennuiera très vite et que du coup il écrira !
 
                                                   Yves CARCHON