Disparu en 2009, à l’âge de 45 ans, Pascal Ulrich a tracé un
sillon poétique assez vite remarqué, tant pour la sincérité de sa voix
que son sens de l’absurde. Il est également l’auteur d’une œuvre
graphique abondante, où l’automatisme du geste s’abouche en un
symbolisme personnel, figures arachnéennes tour à tour drôles et
inquiétantes. Elle fut, de son vivant, souvent plébiscitée par les
revuistes et les amateurs de mail-art. Mais tout cela serait déjà
oublié, peut-être, sans l’acharnement de quelques amis à rappeler sa
présence dans le concert de la poésie contemporaine. Au premier rang de
ceux-là, il y a le toulousain Robert Roman, animateur des éditions du
Contentieux. Déjà maitre d’œuvre du volumineux collectif d’écritures « Pascal Ulrich, le rêveur lucide », il publie, en ce début d’année, un inédit du poète strasbourgeois, « Journal en noir
». Dans cette suite de textes brefs composés en 2006, entre sentences
morales et pseudos haïkus, on redécouvre son univers mental, fait de
fulgurances, d’aveux et de références culturelles nombreuses (c’était un
lecteur boulimique). Malgré d’inévitables faiblesses, l’ensemble n’en
véhicule pas moins une poésie à l’état sauvage à laquelle il est
difficile de ne pas être sensible. Car certains fragments sont porteurs
aussi d’une indéniable beauté.
Comme, page 34 :
« Je suis l’ivraie
Qui du bon grain
Fait l’éloge ironique »
Si
l’on ajoute à ce corpus la note de présentation et la bibliographie
pointilleuse établie par l’éditeur en fin de volume, on tient là
certainement une clé pour aller plus avant dans la découverte de cette
œuvre atypique et souvent acide. Gageons qu’elle n’a pas fini de
rayonner dans cette galaxie poétique où nous cherchons tous un peu de
lumière.
Jacques Lucchesi