Tout près du paradis



Avec Aux alentours du paradis, recueil de douze nouvelles paru chez Edilivre, Jacques Lucchesi nous livre en filigrane un florilège de petites morts, qu’elles soient tragiques ou foncièrement comiques. On entre à petits pas dans ce recueil, sans bruit et sans fracas, ce qui laisse augurer le meilleur. Et l’on n’est pas déçu ! Du village provençal où il fait si bon vivre puisqu’on y a chassé la mort dans un enchantement de conte de fée au jeu Téléréalité où il sera question d’une autre mort, amoureuse celle-là, tout en passant sagacement d’une dimension à l’autre, le nouvelliste gambade à travers les collines, main en visière et contemplant d’un œil vif la garrigue, quand il ne saute pas dans l’abîme du Temps à la recherche de l’adolescent qu’il était et peut-être du vieillard qu’il finira par devenir un jour. Comme le chantait Brassens, les joyeuses pompes funèbres sont là pour rappeler, si besoin il y avait, que notre finitude n’est pas tragique puisque la mort elle-même est, elle aussi, risible. Jacques Lucchesi écrit bref et serré, ce qui donne à sa prose densité et vigueur. Son inventivité se trouve nichée dans l’angle où il aborde ses thèmes, - je parlerai d’angle rentré, et rien ne laisse présager qu’il nous mène par le nez. Il est du Sud sans conteste, car sa prose est limpide. Et, si l’on n’y prend garde, elle fraie avec les mythes qu’elle revisite à sa façon. Car dans ces douze nouvelles (comme le nombre d’apôtres, mais où est donc la traîtresse ?), on y parle de soleil, de saut dans l’avenir (ou de retour dans le passé), et le fatum qui surplombe maints récits - même s’il se trouve en embuscade – a la  couleur de mer à marée basse. Quand je parlais de petits pas, en fait c’est notre auteur qui donne son allure, même quand parfois il nous entraîne vers un pas de travers. C’est justement dans cet infime écart que réside l’art du nouvelliste. L’époque est brocardée comme il se doit, technologie rimant avec monotonie. Dans tous les cas, on se convainc sans mal que Jacques Lucchesi devrait s’adonner plus à la nouvelle. Quant au lecteur, il ne saurait bouder un tel recueil : il est tout près du paradis !
  
                                                    Yves CARCHON