En 1976, l’octogénaire Mao Zedong décédait à
Pékin, après vingt sept années de règne absolu sur la Chine. Le Grand Timonier de
la Révolution eût droit, bien sûr, à des funérailles impériales. Sa disparition
allait ouvrir la porte à d’autres interprétations du communisme d’état dont
celle, plus libérale, de Deng Xiaoping. On connait, peu ou prou, la suite de l’histoire.
Dans
la nouvelle de Jack London, L’invasion
sans pareille, il en va tout autrement du destin de ce grand pays. Car la
Chine, après s’être montrée un peu trop conquérante en Asie, subit les foudres
d’une coalition militaire internationale. Pour la réduire à néant, celle-ci n’hésite pas à recourir aux armes bactériologiques – lesquelles sont toujours on ne peut
plus prohibées par le droit international. Il y a toujours une part de vérité
dans la fiction, comme en témoigne ce petit texte - écrit en 1909 – que republient
aujourd’hui les éditions du Sonneur.
Car
Jack London (1876-1916) ne fut pas qu’un écrivain prolétaire et socialisant (Martin Eden), pas plus d’ailleurs qu’un
apôtre du retour à la nature (L’appel de
la forêt, Croc-Blanc). Il fut aussi un visionnaire, usant de l’uchronie
pour exprimer sa vision tant des origines que de l’avenir de l’humanité. Comme
on le voit, « le péril jaune » était déjà une préoccupation des meilleurs
esprits de l’Amérique d’alors. D’où cette vision néo-colonialiste et absolument
catastrophiste qui s’appuie, néanmoins, sur des considérations géopolitiques et
scientifiques encore pertinentes. A lire sans tarder, ne fut-ce que pour
comparer le cours réel de l’Histoire à l’un de ses plus surprenants détournements
littéraires.
Editions du Sonneur, 2016,
6,5 euros.
Jacques Lucchesi