L’uchronie est un genre littéraire qui eut son heure de gloire dans la seconde moitié du XIXème siècle. L’auteure de Requiem pour une racaille
a décidé de s’y coller. C’est tout à son honneur. Beaucoup pourraient
être tentés de classer Gil Graff dans la famille des écrivains
naturalistes. A tort. Ce serait mal la connaître. Avec ce Requiem…
l’auteur nous fait entrer dans un cauchemar sans fin, où la condition
humaine est décrite sans fard, sans once de complaisance, et confrontée
au crime et à l’horreur, monde dans lequel se croisent des enfants, des
géants, de petits et grands monstres, évoluant dans un monde fasciste
où, pour peu qu’on soit du côté du manche, on a droit de vie et de mort
sur tous les parasites, les éclopés, les faibles, les enfants qui vous
tombent sous la main.
Julien, jeune homme à la situation plus que précaire, a su jouer des coudes dans cet ordre nouveau et se placer auprès de Wint, exécutant du tout récent régime, sorte d’ogre sanguinaire, violent et amoral. Très vite, notre Julien fait ses premières gammes dans l’horrifique. Comme il veut s’en sortir à tout prix, ne plus être humilié et que Dieu en ce monde est bien mort, tout est permis pour lui. La nouvelle cité est en marche, déterminée à écraser tous ceux qui, par malheur, se dresseraient sur son chemin. Ces autres pourraient bien être Lenny, frère de Julien, et une jeune femme prénommée Victor, qui ont pu fuir un camp d’endoctrinement, duo à la Steinbeck où Lenny incarne le géant au cerveau limité protégeant sa nouvelle et fluette amie. L’un a la force physique, l’autre une tête bien faite et n’a ici rien d’une souris…
En
quelques pages, le lecteur est plongé dans une nuit au climat
oppressant, où manger, vivre en sécurité, sauver sa peau est devenu
problématique. L’auteur, sous le masque d’une conteuse n’hésitant pas à
faire dans le grotesque et grimaçant, parfois à la manière d’un L.F
Céline, nous trousse une terrifiante fable qui nous renvoie (encore plus
aujourd’hui qu’à la sortie du livre) à une réalité qui hélas se dessine
: l’arrivée des barbares par la force ou les urnes. Le frisson est
palpable ; ça pourrait bien le faire, comme on dit aujourd’hui.
La force littéraire de Requiem pour une racaille tient aux moyens allégoriques qu’emploie Gil Graf pour nous forcer à regarder comment s’installe, fonctionne le fascisme. Comment l’ignoble et l’inhumain se mettent en place. Mais nous restons dans le roman, entre conte et sotie. On n’est pas loin d’Alice, de Gulliver, parfois même du côté du récit sadien et du Perrault de Barbe bleue. C’est dans cette sarabande bouffonne, aux confins de l’horreur que s’exhale le discours politique, enchâssé dans l’histoire comme un venin qu’instilleraient les phrases de Requiem pour une racaille. Un immense bravo à l’auteur qui excelle dans les situations scabreuses, jamais gratuites, dans la peinture saignante et peut-être au couteau de l’horreur programmée, au long de cette sanguine à drôle de goût d’apocalypse.
Yves CARCHON
Julien, jeune homme à la situation plus que précaire, a su jouer des coudes dans cet ordre nouveau et se placer auprès de Wint, exécutant du tout récent régime, sorte d’ogre sanguinaire, violent et amoral. Très vite, notre Julien fait ses premières gammes dans l’horrifique. Comme il veut s’en sortir à tout prix, ne plus être humilié et que Dieu en ce monde est bien mort, tout est permis pour lui. La nouvelle cité est en marche, déterminée à écraser tous ceux qui, par malheur, se dresseraient sur son chemin. Ces autres pourraient bien être Lenny, frère de Julien, et une jeune femme prénommée Victor, qui ont pu fuir un camp d’endoctrinement, duo à la Steinbeck où Lenny incarne le géant au cerveau limité protégeant sa nouvelle et fluette amie. L’un a la force physique, l’autre une tête bien faite et n’a ici rien d’une souris…
La force littéraire de Requiem pour une racaille tient aux moyens allégoriques qu’emploie Gil Graf pour nous forcer à regarder comment s’installe, fonctionne le fascisme. Comment l’ignoble et l’inhumain se mettent en place. Mais nous restons dans le roman, entre conte et sotie. On n’est pas loin d’Alice, de Gulliver, parfois même du côté du récit sadien et du Perrault de Barbe bleue. C’est dans cette sarabande bouffonne, aux confins de l’horreur que s’exhale le discours politique, enchâssé dans l’histoire comme un venin qu’instilleraient les phrases de Requiem pour une racaille. Un immense bravo à l’auteur qui excelle dans les situations scabreuses, jamais gratuites, dans la peinture saignante et peut-être au couteau de l’horreur programmée, au long de cette sanguine à drôle de goût d’apocalypse.
Yves CARCHON