Aujourd’hui encore, j’éprouve de la peine à comprendre pourquoi
l’écriture et en premier lieu la lecture, soit de poésie, soit d’autres
livres qui ne sont pas des romans de gare, a pu me
passionner. Il s’agit là d’un mystère. Il y a en effet des choses
bien plus drôles dans la vie : les matchs de foot, les courses de
formule 1, les soirées en boite, la bière entre potes. Bref, le
plaisir de ne plus former à plus ou moins brève échéance qu’une
bande de cons, qui met les pieds sous la table, se bâfre et boit. Vous
me direz : les uns n’empêchent pas l’autre. Eh ben moi, je
vous dis que si, en grande partie malgré tout, parce que désormais,
le doute m’assaille à tout bout de champ. J’ai d’ailleurs l’impression
qu’à cause de la poésie, bien des consolations me sont
devenues inopérantes. Même aujourd’hui, j’aurais préféré m’en
contenter pour vivre heureux.
A partir de là, l’histoire est hélas classique. Pendant mes
premières années d’école, les récitations de La Fontaine and co, m’ont
paru être les choses les plus gnangnan du monde, avec leurs
morales à deux balles, au-delà desquelles, à aucun moment, ne
semblaient être envisagées sous un jour favorable les aspirations des
individus.
Mais comme il y avait beaucoup de livres à la maison, après avoir
déjà découvert plusieurs romans, je lus, à seize ans, « Les fleurs du
mal », ce qui me fit comprendre que la poésie pouvait
devenir intéressante, lorsqu’elle se donnait quelques défis presque
impossibles à réaliser. Puis, à peine trois mois plus tard, avec « La
saison en enfer », je devins acteur d’une révolution
poétique. A partir de là, il ne me restait plus qu’à essayer de
faire pareil, pour accéder moi aussi à ma part de vérité. Ce qui est
arrivé depuis me semble moins palpitant, puisque j’ai
contracté le virus d’écrire, n’étant peut-être pas allé assez loin
une bonne fois pour toutes. Cela n’empêche pas l’enthousiasme de
toujours exister, et pas seulement grâce à mes propres textes
(!), mais également par la découverte de tas d’autres poésies,
nouvelles, romans, que je continue à essayer de mixer, par exemple, à
travers le poézine Traction-brabant, pour vivre dans une
maison où je me sente à l’aise.
Sinon, ce qui m’intéresserait aujourd’hui serait de savoir comment
faire partager les richesses engendrées par l’écriture. Mais là, désolé,
je ne vois que deux solutions : naître au milieu de la
matière des livres ou/et ne pas pousser droit, ce que je conseille,
sauf aux abrutis qui n’ont pas besoin de ça pour vivre.
Patrice Maltaverne
Poète, Patrice Maltaverne est aussi l'animateur de la revue
trimestrielle "Traction-Brabant" - qu'il appelle modestement un
"poézine". Forte de 37 numéros, elle accueille des
écritures très variées. On peut aller voir ça à l'adresse suivante:
http://www.traction-brabant.blogspot.com/