Gérad Pons: Lectures du temps (les Cahiers de l'Arbre)

Il y a des êtres sur lesquels le temps semble ne pas avoir de prise. Rien ne saurait les détourner de leur vocation, tant les canaux de la création, en eux, ne connaissent jamais de sècheresse. Assurément Gérard Pons est au nombre de ces heureux élus. Dans son petit atelier du Castellet, il grave l’acier, dessine et écrit depuis plus de trente ans. Ainsi les œuvres s’enchainent aux œuvres et les livres, personnels ou en collaboration, jaillissent de tous côtés. Gérard Pons n’en garde pas moins une fidélité durable aux Cahiers de l’Arbre (dont il apprécie la qualité artisanale de leur travail). Depuis maintenant vingt ans, il y publie un recueil poétique chaque année. Et 2014 n’a pas fait exception à cette règle d’or. A ceci près que leur directrice, Christine Brisset-Le Mauve a eu l’idée de proposer au poète varois un florilège de ses publications passées. Il en a résulté ces « Lectures du temps » qui offrent, en une vingtaine de pages, un panorama des thèmes « ponsiens ». Chaque texte, prose ou poème, y renvoie donc à un recueil déjà publié. Aucune lassitude, néanmoins, dans ces pages, même pour ses lecteurs réguliers. Le plaisir de la découverte y demeure intact, tant l’art poétique de Gérard Pons est fluide, clair et juste. Il y a chez lui une exigence de précision qui s’applique à chaque mot employé, une économie de la métaphore qui s’adresse véritablement à l’esprit. Que ce soit à travers le conte (« La parabole du canard », 1999) ou l’élégie amoureuse (« Vers elles », 1998), le sentiment de la nature y est toujours exalté. Aucune rupture d’un texte à l’autre, car l’unité est donnée par l’expérience même du poète et, au-delà, par l’homme Pons lui-même, grand dévoreur d’espace s’il en est. Si ses mots sont des ferments de vagabondage intérieur, sa poésie ne s’adresse pourtant qu’à des lecteurs peu enclins à la rapidité moderne. Comme il l’écrit dans la dernière page de son opus, il s’agit d’ :
Attendre
La longueur du silence
Pour respecter le temps. »
Un livre qu’on ne saurait trop conseiller pour aller à la découverte de cette œuvre étrangère aux effets de mode, qui se tient aux limites de l’intemporalité.
Jacques Lucchesi