Naguère Pierre Andréani écrivait de longs poèmes, d'une dérision toute expressionniste dans laquelle on sentait sa révolte contre un ordre du monde injuste. C'était le cas encore, voici deux ans, pour L'écoeuré parlant (éditions Le Contentieux). C'est différent aujourd'hui, puisqu'il revient à la poésie avec un très coquet recueil, Hormis la joie (éditions Sous le Sceau du Tabellion). Ici ce sont des vers brefs, cassés, avec des césures improbables. Dans ce qui ressemble à un monologue intérieur, les mots appellent les mots dans une liberté à priori totale, les associations s'enchaînent, bousculant délibérément le sens et la syntaxe, éludant les articles, multipliant les infinitifs et les formes verbales intransitives.
On songe parfois à la prosodie nerveuse des petits poèmes de Bernard Noël rassemblés dans Extraits du corps. D'autant que Pierre Andréani distille, çà et là, des confidences personnelles, voire des opinions sur le monde actuel : « Ce que j'ai appris de l'Europe/est MUNDO ORBI » (page 56). On sent, derrière cette évolution formelle, la part du travail accompli et la réflexion qu'il a menée sur la chose poétique - même s'il déclare vibrer davantage que réfléchir à proprement parler. Tout est perdu, semble nous dire le poète, hormis la joie, titre (lui-même elliptique à souhait) qui donne son titre à cet ouvrage de 90 pages, dans lequel les Neuf sonnets parallèles qui le terminent ne sont pas sa moindre réussite.
On lira pour le pur
plaisir littéraire la belle préface de Michel Ménaché. Et l'on
méditera l'épigraphe de Pierre Lartigue : « La
poésie n'existe que par ceux qui la
lisent. ». C'est
dire, chers lecteurs, quel rôle capital vous avez à jouer dans le
devenir de cet auteur sensible et exigeant.
Editions Sous le Sceau du Tabellion, 13 euros.
Jacques LUCCHESI